Développement

 

 Le blues



     Au début du XIXe siècle, les européens ont déplacé des millions d'Africains en raison du besoin de main d’œuvre pour les champs  de coton et les cultures de sucre. Le système esclavagiste des états du Sud des États-Unis à été entretenu par le développement de la culture du coton.
    
     La vie des esclaves était atroce. Dans les grandes plantations, les contres-maîtres étaient autorisés à fouetter et brutaliser les esclaves désobéissants. Parmi les châtiments utilisés figurent les privations, les travaux supplémentaires, le marquage au fer rouge pour les fugitifs, et les mutilations. Les codes de l'esclavage autorisaient et requéraient l'usage de la violence. Les faits et gestes des esclaves étaient surveillés par des patrouilles composées de 3 ou 6 conscrits blancs, autorisés à infliger des châtiments, pouvant aller jusqu'à la mort, contre les échappés. La perte d'un membre familial était fréquente si le propriétaire décidait de vendre un de ses esclaves. Cependant, les marques de fouets et les mutilations diminuaient la valeur de l'esclave, car elles montraient qu'il était insoumis ou paresseux. 
C’était à la Nouvelle-Orléans que se trouvait le plus gros marché aux esclaves de l’Amérique. Les ventes étaient réalisées par des négociants spécialisés.
     Le code noir avait pour but de confirmer le statut d'infériorité et de contrôler les noirs. Étaient noirs ceux qui avait au moins 1/8 de « sang noir » dans les veines. Les propriétaires et contres-maîtres étaient à la fois législateur, juge, gendarme et bourreau.
Le pouvoir civil de l’État n'intervient pas dans les conflits internes à la plantation.
Le code noir visait à limiter :
- le rassemblement des noirs (interdit hors de la présence d'un blanc) ;
- l'éveil d'une conscience collective (interdiction d'apprendre à lire et à écrire, de distribuer des tracts, de coller des affiches ...) ;
- les relations entre noirs et noirs affranchis (dont les droits étaient bien inférieurs à ceux d'un homme blanc).
     Après chaque révolte, le code devenait plus restrictifs et répressifs : le code noir de Caroline du sud devient le plus sévère après les révoltes de 1740.

     Il est difficile de dater précisément les origines du blues. Les chansons de travail afro-américaines furent les prémices du blues moderne. Celles-ci comprenaient ainsi les chansons propres aux travailleurs comme les stevedors (les dockers), les « hommes à tout faire », et les esclaves.
     Les esclaves inventent une sorte de chants qui rythment le travail dans les plantations (un chanteur lance une phrase reprise par les chœurs). Petit à petit une forme primitive de blues se développe : pendant la journée il aide à supporter le travail et le soir, à la veillée, il évoque les espoirs et la tristesse, mais sert aussi à véhiculer des informations. En effet des esclaves affranchis vont de fermes en fermes pour donner des nouvelles. Ce sera le début des migrations du blues suivant les aléas économiques : en remontant le Mississippi vers le nord mais aussi vers la Californie.
     Musicalement, le blues impose en général 12 mesures (3 phrases de 4 mesures) avec une structure en rime AAB (répétition du premiers vers) : « quand je me suis réveillé ce matin, ma baby était partie / quand je me suis réveillé ce matin, ma baby était partie / elle m' avais laissé une lettre disant qu'un jour elle reviendrait » (« Found my baby gone » champion Jack Dupree). Il existe des blues « rétrécis » de 8 mesures ou des «élargis » de 16, 24 ou même 32 mesures.
     Le blues s'organise autour de trois accords (tonique, sous-dominant et dominant), où se succèdent la voix et l'instrument selon le schéma AAB .

     Les « minstrels » étaient une forme de spectacle apparue au milieu du XIX e siècle. Les blancs se passent du cirage sur la figure et imitent les noirs. Ils parcourent les villes et proposent leurs attractions : sketchs, numéros d'acrobatie, théâtre, vaudeville, musique hall… Les noirs eux-mêmes créent leurs propres compagnies de minstrels où s'épanouiront les premiers chanteurs de blues. De faux médecins, des charlatans, des trafiquants d'alcool frelatés vendent leurs produits de village en village. Pour faire passer la tristesse, ils engagent des artistes qui jouent et chantent. Des bluesmen y interprètent des vaudeville musicaux (voir lexique). 
On appelle ces spectacles les « medicines shows ». Les noirs trouvent enfin la possibilité d'exercer une activité de musicien professionnel au milieu de saltimbanques et de personnages de foire.

     Voici deux extraits musicaux afin de faire découvrir le rythme, le style et l'atmosphère du blues :

- "Boom-Boom" de Jonh Lee Hooker :



- "I'm your Hoochie Coochie Man" de Muddy Waters : 






Le jazz 

 

     Aux États-Unis, à La Nouvelle-Orléans, un nouveau genre musical fait ses débuts. Issu du croisement du ragtime, de la musique européenne et du blues, ce genre montre l'union des cultures africaines et occidentales. Il apparait au début du XXe siècle, et s'appelle le jazz.

     Le jazz est un genre très important dans l'évolution des afro-américains. En effet, leur évolution dans la société s'étend, grâce au jazz, jusqu'en Europe. 
   Le jazz apparait dans un contexte de ségrégation raciale. Malgré l'abolition de l'esclavage depuis 1865, les afro-américains sont inconsidérés par les Blancs, qui sont nombreux à les haïr à cause des lois Jim Crow qui obligeaient une ségrégation stricte des races

Afro-américain buvant à une fontaine réservée aux Noirs, moitié du XXe siècle.

     Cette ségrégation légale a eu cours jusqu'aux années 1960, principalement en raison de l'influence considérable des conservateurs du sud. Cette séparation conduit les afro-américains à lutter contre ces injustices. Le jazz accompagne la lutte qu'entreprenne les afro-américains pour enfin être reconnus et avoir les mêmes droits.

"Am I not a man and a brother ?" Illustration du médaillon anti esclavagiste.
      
     Le jazz est une musique qui inclut souvent des qualités apparente du swing : l'interaction en groupe, le développement d'une voix individuelle artistique, et bien sûr, l'improvisation. Cette musique est ouverte aux diverses possibilités musicales, d'où son ampleur et sa grande influence.
     Le jazz s'étend de 1910 aux années 1960. Les instruments typiques sont le saxophone (John Coltrane), la trompette (Louis Armtrong, Miles Davis), le trombone (Glen Miller), la clarinette (Sydney Bechet), le piano (Thelonious Monk), la contrebasse, la guitare basse, la batterie (Kenny Clarke), la guitare, la guitare électrique, et le chant. Rythmiquement, le jazz se caractérise en général par une abondance de syncopes (voir lexique) et de contretemps, une accentuation des temps faibles (inverse de la musique classique) et d'improvisation.
     Le premier enregistrement sur disque est effectué en mars 1917, par l'Original Dixieland Jass Band, un quintette américain formé de musiciens Blancs. Les méthodes d'enregistrement ont grandement accompagnées le développement du jazz.
      Les sources du jazz sont surtout reconnues dans le talent des grands solistes comme Kid Ory, un tromboniste et chef d'orchestre, Sydney Bechet, clarinettiste, saxophoniste et compositeur, et particulièrement Louis Armstrong, cornettiste et trompettiste. Les orchestre de jazz sont caractérisés par l'improvisation collective, sur un schéma instrumental trompette, trombone et clarinette.
   
     Le swing, ou middle jazz, fait son entrée vers les années 1930. Considéré comme l'âge d'or du jazz, cette période fait apparaitre de grands noms, comme Duke Ellington, Count Basie, Glen Miller ou encore Benny Goodman. C'est l'ère des big bands (voir lexique) et des orchestre de plus grande taille, avec un schéma intégrant trois sections de trompettes, trombones et anches. Ces orchestres privilégient les solistes, au détriment de l'improvisation collective.
    
     Vers les années  1940, un nouveau sous-genre apparait : le bebop. La rupture est brutale : petits groupes, innovations harmoniques et rythmiques, tempos extrêmement rapides, virtuosité époustouflante. Parmi les musiciens importants de cette période nous retiendrons Charlie Parker surnommé Bird, saxophoniste, Dizzy Gillespie, trompettiste compositeur et chef d'orchestre, Kenny Clarke ou Klook, batteur et surtout le compositeur et pianiste Thelonious Monk. Cependant le bebop à eu un accueil mitigé.
    
      A la fin des années 1950, le musicien John Coltrane pousse les limites des structures harmoniques et de l'improvisation. Le free jazz est né, il révolutionne le genre. Le rythme régulier, la grille harmonique (voir lexique) et le thème sont supprimés. Les improvisations collectives sont de nouveau utilisées ainsi que des techniques nommées  « sons sales » : cris, slaps, growl. Le public est beaucoup moins important et les critiques sont féroces. 
  
     Dans les années 1960 et particulièrement 1970, des mouvements influencés par le jazz et d'autres courants musicaux apparaissent. Ainsi voient le jour le latin jazz et, surtout, le jazz-rock. Miles Davis et Frank Zappa en sont deux grands noms.
     Un autre genre commence à avoir une importante influence, il s'appelle le funk.

Voici quatre extraits vidéos issus de Youtube qui sont respectivement représentatifs du swing, du bebop, du free jazz, et du jazz-rock :

- « I don't mean a thing », Duke Ellington, 1943 :
 

- « Blue Monk », Thelonious Monk, 1966 :



- « Naima », John Coltrane, 1957 :



- « Tutu », Miles Davis, 1986 :




Le funk



     Le funk descends du jazz et de la soul. Ce style musical apparait dans les années 1960 et se répands à partir de 1970. Il est grandement influencé par le rythm and blues (voir lexique). Le funk inspire parallèlement la musique disco qui reprends les rythmes dansants et le caractère festif du funk.
   
     Le mot funk apparaît la première fois dans la bouche des jazzmen des années 1950, il peut signifier la « sueur » ou encore « se trémousser » ou « gigoter ».
      Le funk s'éloigne cependant du gospel et du blues en adoptant un style plus dansant, ainsi que des harmoniques plus joyeuses.
     Le funk se distingue des autres musiques afro-américaines car il ne revendique pas de message fort, c'est un déchaînement de festivités pour les noirs qui sortent d'un siècle de discrimination et qui prennent plaisir à, pour ainsi dire, se défouler. Le message transmis par le funk n'est plus une question de lutte raciale noir-blanc, mais plutôt d'un glissement vers une lutte sociale entre le riche et le pauvre, une lutte qui se manifeste le plus souvent dans le ghetto américain des années 1970-1980 qui donnera naissance à deux grandes familles de la musique afro-américaine actuelle nées des difficultés sociales découlant malheureusement de différences raciales ; le rap et le Hip-Hop. Car en effet, si dans les années 1970-1980 la ségrégation aux États-Unis n'existe plus, le siècle de discrimination raciale a creusé un fossé social entre les ghettos et les banlieues aisées, en particulier dans le monde de la musique où l'on peut voir différents courants séparant parfois complètement les noirs des blancs, comme le rock, dans lequel la plupart des artistes sont blancs même si Jimmy Hendrix fait exception à la règle ou encore le funk où la majorité des artistes sont noirs mais aussi certains genres tentant une réconciliation, comme le disco, qui étant très festif, permet aux noirs et aux blancs de se retrouver sur les mêmes rythmes sur la piste de danse. 
 
     Le style funk se manifeste aussi par la façon de s'habiller. Les personnes qui se revendiquent de la funk attitude arborent un style vestimentaire exubérant et « Kitch » avec par exemple des lunettes dont les verres sont en forme d'étoiles, des chapeaux haut-de-forme, des combinaisons en cuir de couleurs ainsi que des perles ou encore des cheveux teints ainsi que des dreadlocks colorées.


Voici un exemple de style « Funky » avec cette photo de Bootsy Collins, grand nom du funk.


    Le funk a été grandement influencé par l'apparition du synthétiseur et la présence de la guitare-basse. Bien qu’essayant de couper avec les styles plus pensants de ses « ancêtres », le funk conserve et utilise de nombreux cuivres tout en s'accrochant à une esthétique plus joyeuse.
   On rattache souvent et à tort le Funk au Disco, qui est un genre dérivé et à tendance plus commerciale dans le sens où le disco s'inscrit dans le registre des boites de nuit des années 1970.
    Le funk est souvent considéré comme une union réussie entre la soul et la pop rendant le funk plus attractif et plus facile à l'écoute, le funk de boite de nuit et donc le disco (ce qui est un critère important pour qu'un style musical ait du succès : des rythmes faciles à retenir et des sujets populaires).
 
     Le funk peut en quelque sorte représenter le deuxième « schisme » de la musique afro-américaine, entre celui du jazz et enfin celui du rap.

     Le funk est le père de nombreux sous genres ou d'écoles entières comme par exemple le disco cité plus haut, le Hip-Hop (avec Grand Master Flash dont les premiers morceaux sont des reprises de Chic), le rap dans une moindre mesure, mais aussi l'acid-jazz. Le funk semblait cependant moribond à la fin des années 1980 mais il a connu un « revival » à partir de 1992 avec Jamiroquai qui a repris le genre en posant sa propre patte pour le remettre dans la course.

     Parmi les grands noms :

- James Brown, considéré comme le « père » du funk ;
- Stevie Wonder ;
- Les Jackson Fives, qui mirrent en évidence Michael Jackson dans sa carrière solo ;
- Kool&TheGang ;
- George Clinton ;
- Earth, Wind&Fire ;
- Bootsy Collins ;
- Funkadelic.Parliament ;
- Prince ;
- Jamiroquai qui marque le renouveau du funk.


Voilà maintenant quelques échantillons musicaux typiques du funk :



- « Living in america » de James Brown en 1985 :

 
- « Happy Birthday ». En 1980, Stevie Wonder créer ce morceau qui revendique la mise en place d'un jour férié en mémoire de Martin Luther King. Les personnes qui défendaient cette intention obtinrent gain de cause : le 4 avril (jour de l'assassinat de Martin Luther King) est désormais un jour férié aux États-Unis.
 

- « I want you back » des Jackson Five en 1971 :




- « Don't stop 'til you get enough » de Michael Jackson, 1979 :




- «Jungle Boogie» de Kool&TheGang, 1973 :


- « Atomic Dog » de George Clinton :



- « September » de Earth, Wind&Fire 1975 :



- « Screthin' out » de Bootsy Collins  :



- « Bring the Funk » Funkadelic,Parliament 1979 :


- « Emergency on planet Earth » de Jamiroquai (les influences de Stevie Wonder sont particulièrement audibles)  :



Le rap

 

     Depuis que le funk prend de plus en plus d'ampleur, un nouveau genre musical s'inspirant du funk et de la soul naît aux États-Unis, dans les années 1970 : le rap. C'est une musique rythmée, un style de chant saccadé, parfois parlé ou crié, connus pour ses textes véhiculant une forte identité et des revendications socio-politiques. Il s’insurge contre les symboles du pouvoir, la police, la justice.
     Initialement issus des quartiers défavorisés, en particulier les guettos noirs, il s’est très vite répandu, non seulement aux États-Unis, mais aussi dans le monde entier. Cependant, si au départ le rap est né de la population afro-américaine, les Blancs y sont tout aussi bien représentés, on peut citer comme exemple le rappeur français Mister You.
     Le rap est devenu un genre musical propre aux jeunes. Ces jeunes prennent le rap souvent comme un exutoire à leur mal-être et leurs revendications. Les propos violents ou crus sont fréquents, volontiers provocateurs. Le rap est donc accueilli par le grand public plus comme un phénomène social qu' une forme artistique à part entière.

     De nombreux groupes de rap ont également des textes à vocation contestataire ou politique qui les rapprochent du punk.
     On peut citer le groupe américain Public Enemy, un groupe de hip hop originaire de Long Island à New York, formé en 1982. Ils sont connus pour leurs prises de positions politiques radicales en faveur de la communauté afro-américaine, en critiquant les médias.
     Le groupe s'est caractérisé dès ses débuts par un son très agressif, parfois proche du métal, et par des propos très engagés sur la condition de la communauté noire aux États-Unis. Leur logo représente un jeune noir dans le viseur d’un policier. 
Leur chanson « Fight The Power”, (combat le pouvoir), en 1989 illustre parfaitement l'esprit du rap :


Nous pouvons aussi remarquer un rappeur américain : Snoop Dogg, ou encore Snoop Doggy Dogg, de son vrai nom Calvin Cordozar Broadus Jr, qui avec son titre "Who am I" décrit bien le genre à ses début. En effet le son des racines du rap, c'est à dire le funk principalement, est encore très présent :